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Les chagrins sont des mélodies parfois si hautes et si graves qu’il nous est difficile d’en supporter toutes les notes. Faute
d’en comprendre le sens et les causes, l’on se force à taire la musique en faisant semblant de croire que le bonheur est là. Lentement, on se ment, lentement on se virtualise le coeur de légèreté préfabriquée sans se douter un seul instant que la vérité, sournoise et sauvage comme un volcan vomissant sa lave, viendra tôt au tard réveiller le désir de tout avouer. Alors on parle à des qui, qui n’écoutent pas et on parle de tous nos quoi, qui s’enfoncent dans le désarroi et la solitude. Nos paroles s’envolent inutiles et solitaires frôlant les oreilles fermées.
Un jour, une nuit le désir se montre très oppressant, plus oppressant que de coutume. La lune perd ses derniers rayons dans une lampe timide installée sur un bureau nappé de paperasse, une plume regorgée d’encre sommeille allongée dans le silence.

Tout est calme. La tempête ne va pas tarder à se lever. Il n’y a pas encore de mots, juste quelques paroles intérieures prêtes à réveiller les images les plus endormies, les plus enfouies. D’un geste simple et fébrile, les doigts se dirigent lentement vers la plume, l’agrippent, la soulèvent. Il s’espacera des heures sans que rien ne se passe à l’extérieur. Le travail reste intérieur. Le monologue se mélange aux images qui mûrissent petit à petit comme un fruit sous le soleil. Les sentiments perdus se réaniment, se réveillent, se bousculent, bouillonnent, s’accompagnent de malaises parce que se sont les mêmes sentiments vécus, qui réapparaissent dans l’ombre cachée de nos angoisses. Le coeur se serre, le stress ronge lentement l'estomac. Les yeux se mouillent et couvrent de buées le chagrin. Le regard se perd dans le vide parce que cette fois le vide est à l’extérieur. Le voyage en marche arrière commence et si je glisse et si je tombe je sais que je ne pourrai me rattraper qu’à moi-même. Et je sais que je vais marcher lentement et longtemps. Mais cela n’a pas d’importance puisque les premiers pas sont nés. Je suis dans le chagrin, je suis dans mon chagrin. Les heures passent, les jours passent, les semaines passent, et soudain un mot, des mots, des phrases et une fatigue indéfinissable qui m’envahit. Mon chagrin a quitté le secret pour s’offrir aux aveux. Il faudra continuer jusqu’à ce que la plume expire ses dernières larmes.

Après, lorsque tout sera écrit, le soleil remplacera la lune noire, les dernières gouttes de pluie sécheront sous une brise de liberté, et le bonheur si longtemps caché de maquillage mensonger se révélera enfin vivant et fort. Et je ne cherche plus à marcher vers le bonheur, c’est le bonheur qui vient vers moi.


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