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Aux dernières nouvelles, la terre est toujours ronde habitée d’une société qui elle ne semble plus tourner très rond. Une société aux formes géométriques trop compliquées pour que je puisse en définir les contours et dont je fais partie. Toi, tu es déjà parti. Tu as pu voir le mur de Berlin s’effondrer, dernière et belle image avant la fin. Depuis ton départ, subsistent toujours les mêmes combats, les mêmes injustices, les mêmes colères, les mêmes impuissances. Une vie où les grains de sable romantiques se meurent sur des plages désertées de sentiments passionnés. Une vie avec des hôtels de plus en plus grands, de plus en plus luxueux où la culpabilité parfois resurgit lorsque nos yeux rencontrent les mains vides et tendues des rez-de-chaussée. De tout cela, il faut en rire faute d'avoir encore assez de larmes pour le prouver. Oui, c’est bien çà, oser rire. Rire comme toi, papa, avec ton sourire large et généreux, éblouissant comme un soleil de septembre que l’on peut toucher du bout des yeux, ton sourire que je n’oublierai jamais mais que j’ai parfois encore tant de mal à offrir sans chagrin.

Pourquoi m’avoir appris la vie sans la mort. Tu m’as abandonnée avec une histoire d’amour insoluble entre père et fille que notre société étouffe sous des montagnes de tabous, ou au travers d’explications psychanalysées pour nous rassurer de nos hontes incestueuses. "Ne m’oublie pas petite fille mais fais ton chemin, dépense l’amour que je t’ai offert sans compter mais pas pour rien." J’ai dépensé sans compte et sans regret, comme si les autres c’était toi. Erreur appelant le pardon à tous ceux que j’ai pris pour toi. Mea culpa d’amour pour avoir osé comparer l’incomparable. Etat d’amour naissant et permanent d’une petite fille aux grands yeux verts qui cherche l’extraordinaire pour une heure, un jour, une nuit, ou peut-être tout simplement une histoire qui ne finisse pas trop vite. Pendant longtemps, après ta disparition, je néantisais volontairement tous les bons moments marqués de mon enfance, de mon adolescence. Je ne retrouvais que les heures difficiles où toi et moi nous nous affrontions. Il me fallait revivre inlassablement l’obscure, pour donner l’illusion que ton absence me paraisse moins douloureuse. Ce n’est pas toi que je cherchais mais ta passion, ta force de dire je veux et j’aurai, ta générosité dans le don sans facture, ta joie de vivre malgré les soucis. Tu m’as sevrée à ton tempérament, sans tabou, dans la liberté de tout dire et de tout faire dans le respect. De l’amour, j’en ai cherché partout dans la lumière comme dans l’ombre, me servant parfois de mon sexe comme d’un remède miracle. Tu m’as offert les essences essentielles dont je me devais d’en définir chaque règle.

Et de tous ces corps qui m’ont frôlée, aimée, caressée et baisée, je ne veux me rappeler aujourd’hui que de ces coeurs avec lesquels j’ai parcouru un même chemin, celui du désir au plaisir. Dans ces dons d’amour subsiste pour chacun de nous une limite, peu importe que celle-ci soit petite ou grande car l’essentiel réside simplement dans leur respect faute de perdre les plus infimes fortunes de ces riches heures.

Comprendre qu’avec le sexe cohabitent le coeur et la tête c’est s’octroyer la possibilité de sauter les barrières de l’interdit, c’est découvrir que de l’obscène, l’abominable, l’inavouable avoué puisse jaillir la vraie beauté, celle que nos coeurs malheureux et avides recherchent trop souvent par erreur dans l’impalpable et le superficiel. Les plaies ouvertes de ma douleur se referment par l’amour et dans l’amour.


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