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Des années s'écouleront dans cette ambiance combative dans laquelle je grandis, dans laquelle tu vieillis. Puis, il y aura Bruxelles qui te découvrira avec tes soixante ans et toujours autant de volonté à dire çà ira malgré le fait que tout est à refaire.

Notre déménagement ressemble à une fuite nous conduisant aussi à une renaissance que nous avons célébrée comme un jour de libération. On n’avait plus rien, mais le bonheur était là, toi, maman, Benjamin et une nouvelle vie à rebâtir dans une capitale où la tolérance pouvait sembler plus réelle.

J’avais seize ans. Je n’étais pas très belle. A regarder ma mère, la différence en était plus que flagrante. Les miroirs n’étaient pas mes objets favoris et lorsque le hasard nous confrontait nez à nez, il ne pouvait s’agir pour moi que d’une erreur de réflexion. Je ne rêvais même pas d’être une autre. Je n’existais pas tout simplement. Mais toi, tu étais là avec de vrais compliments me reliant sans méfiance à la vie et ses extérieurs, une sorte de bouclier que je portais en armure lorsque la vérité me désappointait. Avec toi, mes angoisses accusaient de grands coups de pied de légèreté sans effort. Seule, je rêvais l’amour, j’écrivais l’amour mais inutile d’en parler, je n’étais qu’un tout ligoté à l’impossible et l’irrévocable du quotidien. Au creux de mes nuits d’alcôve, sous lunes engourdies d’étoiles, renaît toujours le même rêve, un homme s’approche vers moi, ce moi blotti et assis dans un coin de bal ringard et bruyant. Je suis nue, parce qu’habillée il y aurait eu les robes fleuries et les bottines de cuir enserrant mes chevilles comme des étaux. Il faut oublier, exfolier l’insupportable de la mémoire pour ne garder que des souvenirs nettoyés de l’inutile douleur. Mon coeur bat de plus en fort comme un tam-tam africain, enivrant les peurs, délivrant les fantasmes. Deux bras forts, sillonnés de veines gonflées en sculpture sanguine et fiévreuse se tendent vers moi. Et les miens si frêles, si incertains comme l’avenir croisant le hasard, s’éprennent de ma nuque. Mon sourire se dissimule sous des yeux fermés. Mes jambes, ces jambes qui me détestent tant, s’écartent comme une entrée sans permis d’exister dans une boîte à plaisirs. Puis, plus rien, plus que des touts dans un baiser, des baisers, chauds et humides sur des seins petits et serrés d’adolescence, des fesses cramponnés au désir comme un roi à son royaume, et une peau transpirant l’autre d’amour. Plus de musique, plus de pas de danse juste une lune éteinte et un soleil renaissant dans les ombres de mon réveil. Surtout ne pas partir sans rien dire. Promesse à la vérité et son passé.


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