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Et si demain, tout changeait. Et si demain, j’étais ce que je suis aujourd’hui, ne subsisterait qu’un seul cri arraché au vécu sous vers limés d’un Eluard en liberté, comme un chant de guerre pour se donner du courage face à l’ennemi, comme un premier poème appris par coeur, et sans cesse récité pour que s’oxygène la violence intérieure.

...
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis née pour te connaître
Pour te nommer
Liberté !”.

Où sont passés tes cathédrales et tes paniers d’osiers sucrés aux roses pâles, aux feuilles effilées, matières fragiles comme mes amours, suspectant les mains lourdes aux gestes indélicats. Que d’égoïsme dans l’éternité quand elle ne nous laisse que poussière que le vent viendra de toute façon balayer.
Malgré tout, il faudra continuer à marcher, en se retournant de temps en temps pour s’assurer que les rêves de ce tout ce qui ne se fera plus et les souvenirs de tout ce qui s’est fait ne s’effacent pas sous nos pas et peut-être, pourquoi pas, oser prier les dieux absents, sourds et muets pour que ne se brise la chaîne du passé sous le poids du présent. Nombreux sont les chemins qui me ramèneraient des années en arrière, mais je n’en choisirai qu’un seul, le plus long, le plus droit avec des arrêts sans abribus et des pavés de coeur cuisant sous soleils brûlants et qui se noient sous les pluies dévastatrices que sont les larmes.

Et je suis là, avec ma plume écorchée et mes encres du samedi soir dans une closerie sans lilas, morts depuis bien longtemps emportant avec eux le cercle de nos poètes disparus. Ne restent que des nuées de phrases invisibles s’évaporant de chaque fond de verre sans ivresse, un piano aux notes aussi fausses que des mots lorsqu’ils divorcent de leurs gestes et sur tabouret des corps droits aux visages fardés dans l’attente du maître portant dans sa bouche la générosité symbolique, le roi qui offrira à un de ces mendiants la reconnaissance au droit à l’existence. De tout cela il n’en faudra garder que l’indifférence en rictus malus parce que la haine comme l’amour se sont enfuis pour toujours laissant dans les gamelles du pouvoir, des bouillies de mensonges et d’hypocrisie. Il faut laisser les étoiles au ciel dégagé d’une nuit rêvée et rire des mauvaises imitations portant les masques d’une brillance volée à la vérité.


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