En parcourant le Boulevard Saint-Germain, aux trottoirs larges, aux terrasses accueillantes, ce même boulevard qui vingt ans auparavant vivaient les heures dAragon, de Vian, de Staline, et bien dautres qui aujourdhui existent encore sous formes décrits ou didées, je timagine accroché à mon bras.
On marche à pas ralentis pour que la fatigue ne tempêche de profiter de ce temps doré. Il serait environ dix-huit heures, et nous accuserions agréablement les premiers jours de juin. La lumière tombe lentement laissant dans le ciel bleuté dun début de soirée assez de place pour accueillir une lune blanche et ronde, une lune qui parle et qui sourit quand on la regarde. Je te choisis la plus belle place de la terrasse du Café Flore.
Je te raconte Cau avec ses amertumes et ses rancoeurs, je te récite un poème érotique de Verlaine. Et puis, il y a mes poèmes, mes chansons sur lesquelles on essaie quelques notes. Tu me racontes Paris avec un brin de nostalgie dans la voix. Et si le destin lavait vraiment voulu, il y aurait eu un petit fils, qui du haut de ses six ans taurait appelé papi, un gamin aux questions innombrables, aux gestes turbulents que seul un grand-père peut supporter, parce quil reflète le plus beau symbole de notre immortalité.
Pour une nuit seulement, on oublierait ensemble ton coeur vieilli qui bat trop vite, ta respiration difficile, tes médicaments qui ne guérissent plus, le régime sans sel et les alcools interdits. Il y aurait pour un soir, une nuit, une autre fête à la vie. Plus tard, viendrait nous rejoindre mon amour, mon amant, mon ami, lhomme qui fait de ma vie un miracle journalier digne du bonheur, anéantissant lordinaire pour me laisser les permanences de lextraordinaire, un passionné du rêve et du plaisir. Et je vois, comme une photo figeant linstant présent pour léternité, vos deux sourires partageant la symbiose des coeurs pour que le mien séclate, entier et comblé de vos joies et de vos rires.
Aux instants rêveurs succède la réalité, celle daujourdhui, avec Paris en pleine lumière estivale, et moi au milieu de la vie chaude et rassurante parce que mon amour, mon amant, mon ami existe, blotti dans mon coeur, mes yeux, ma tête, et mon corps, enthousiasmant mes espoirs lorsquils ne sont encore que de petites graines, calmant mes désespoirs en me contant des fins heureuses, moffrant aussi les légendes dun grenier que je nai jamais eu.
Je remercie la chance de nous accorder ses faveurs, pour que lon ne cesse dêtre deux emportant dans la valse du temps les grands, les vrais, les beaux, ceux que les oscars oublient les soirs de gloire, ceux quil ne faut cesser dapplaudir pour que ne sépuisent dans un sentiment dinutilité ou dinjustice les plumes, les mots, les notes et les couleurs. Et pour que lhabitude ne vienne endormir notre amour, on se dit je taime.
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