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Je me souviens du dernier jour passé dans la capitale girondine. L'appartement est vide. Sur un carré de moquette, une petite chienne au pelage couleur marron glacé guette mes faits et gestes. Toi, ma petite compagne, abandonnée trois ans plus tôt sur une aire d'autoroute en plein juillet. Pendant une année, ta nouvelle maison devient une cage immense et sombre perdue dans les aboiements des autres laisser pour compte. tu t'appelles G7 et personne ne te trouve assez jolie pour t'adopter. Assise dans ton silence de prison, ta patte s'est glissée à travers les barreaux pour rejoindre ma main. Quelques jours de plus, et il fallait "te piquer" comme ils disent. Aujourd'hui, tu t'appelles Ushuaïa, et tu sais que tu feras partie de tous mes voyages.

Les valises s'empilent dans la voiture. Et mon coeur se serre dans un étau de souvenirs. Comme dans tout voyage où l'on quitte pour rejoindre, s'installe le temps pour les pensées. Elles défilent, se bousculent, s'échappent, se rattrapent. La frontière qui sépare ma nouvelle vie à l'ancienne s'inscrit au dernier pin planté en bordure d'autoroute.

Je me suis arrêtée plusieurs fois dans des stations service, accueils pour les automobilistes lassés de kilomètres, ne pouvant que ternir davantage toute humeur un peu maussade. J'ai appelé ma mère. Sa voix souriante et chaude remplit mon voyage solitaire et vide de communication. J'avais six cents francs, et les poches remplies de dettes. Un pneu crevé ou tout autre problème mécanique m'était fatal. Mais la chance m’avait réservé une place pour deux. Neuf heures de route pour rejoindre le futur, c'est beaucoup mais dérisoire lorsqu'il s'agit de se distancer de son passé.

Le défilé d’images s’arrête et les souvenirs rejoignent docilement leur tiroir. Bordeaux, Gare Saint-Jean. Tout le monde descend. Léger serrement au coeur. Rien de grave parce qu’aujourd’hui je ne suis plus seule.


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